Fraîcheur.
Un air glacial s’échappe de la ruelle. Sous un porche, un corps.
Sa tête, parfaitement écrasée, ne fait plus qu’un avec les pavés gris et glacés.
Doucement, le sang s’écoule le long du caniveau réveillant délicatement les ténèbres lorsque la Lune argentée s’y reflète. Comme un radeau, une petite croix de bois navigue sur la rivière rouge avant de disparaître dans l’obscurité des égouts.
La pluie, indolente au début, puis impétueuse par la suite, fracasse de ses gouttes les rues désertes de la petite bourgade médiévale d’à peine 600 villageois. Sur la place centrale, du haut de la potence, un corbeau nullement gêné par la météo peu clémente observe au loin une silhouette. Celle-ci prend la direction de la boutique de porcelaine de Madame Dain-Bho, traînant d’une main un merlin qui écorche le sol humide.
Immobile, fixant la vitrine, l’individu porte à son épaule sa lourde masse. Les perles de pluie continuent de ruisseler sur sa sombre cape lorsqu’un éclair dévoile un visage rongé par la barbe et les cicatrices.
Ricanements.
A l’aube, sur la place centrale, de nouveau les mêmes discussions.
- Il a encore frappé, c’coup-ci il en à eu trois...
- Trois! Qui ça?
- Madame Dain-Bho, l’épicier puis la petite Jeannine.
- Oh mon Dieu! Quelle horreur!
Une voix au loin ordonne :
- Mes enfants, prions pour que ces trois nouvelles victimes reposent en paix auprès de notre seigneur. Je vous invite à prendre le chemin de l’église.
Dans le bâtiment sacré, deux prêtes discutent. Le ton monte.
- Et voilà, encore trois morts! D’après les rumeurs c’est de la faute du père Lustu! C’est lui qui à…
- Mais tais toi donc! Nous sommes dans la maison de Dieu, comment peut tu parler ainsi d’un de ses serviteurs!!
- Mais c’est qu’il…
Derrière une grosse paire de lunettes, un regard noir interrompt le dialogue. Sans mots dire, le père Lustu impose le silence, avant d’aller regagner un des banc en chêne où il s’agenouille pour prier.
Chaleur.
Une brise légère s’évade de la fenêtre. Sous les draps, deux corps.
Sérés l’un contre l’autre, parfaitement collés, ils ne font plus qu’un.
Tendrement l’homme passe son bras au dessus de l’épaule de la femme et tiens dans sa main gauche un sein délicat et ferme. Se retournant, son amante lui fait face et le couvre de baisers.
Un regard, et de nouveau le couple s’abandonne dans de fantastiques ébats.
Après une nuit de repos, Magali, tout de soie violette finement brodée, se lève et rejoint sa commode de style baroque pour se placer devant un imposant miroir doré. Elle ébouriffe sa magnifique chevelure rousse chatoyante.
Contemplations.
Le reflet se trouble.
Une main plonge dans l’eau et dépose le liquide rafraîchissant sur un visage marqué.
Plus loin un vol d’oiseaux s’élève des cimes d’immenses sapins.
Ils viennent me chercher.
Ricanements.
L’imposante stature se redresse et rejoint une petite cabane en pin massif. Dedans un simple lit et une statuette comblent l’habitat. L’homme se pose sur le lit, et la tête entre les mains, marmonne.
Trois âme de plus, mais ce n’est pas assez. Il me faut sa tête, tu comprends? A défaut de te tuer, je tuerai ceux que tu guides. Pourriture, je t’ai moi-même servis, j’ai cru en toi et pire que tout, je t’ai aimais… Jamais je ne te pardonnerai ce… ce que tu as fais…
Une larme s’écoula d’une paupière fermée, pour finir sa course dans une forêt de barbe hirsute grisonnante.
- Il doit être là, faites attention, c’est un monstre!
- Prudence Paul, C’est son territoire ici…
Un petit groupe d’hommes, tous volontaires pour la traque du « tueur des porteurs de croix », approcha prudemment de la cabane. Ils étaient dix, tous armés de fourches et de bâton cloutés, le visage en sueur.
Hurlement. Un des courageux eu la jambe broyé par un piège à loup aux dents rouillés. Aussitôt ces compagnons vinrent l’aider à se dégager, mais déjà un autre s’écroula, un carreau dans la poitrine.
Stupeur. Le « monstre » était au seuil de sa cabane, une arbalète pointée vers le groupe entre les mains. Derrière lui son imposante masse était posée contre la porte. Le temps que les hommes réagissent, deux d’entre eux furent transpercés. Les herbes devinrent rouges. Trois villageois foncèrent vers le colosse qui d’un geste précis prit son merlin et l’écrasa sur l’épaule la plus proche. Craquement. Puis cri de douleur juste après. Le courage des deux autres s’amenuisa. Ils prirent la fuite avec les trois autres hommes rester en arrière, abandonnant ainsi leur compagnon à l’épaule déboîtée, et le malheureux Paul dans le piège à loup.
Le porteur de masse retira sa capuche, fixa l’homme agonisant à ses pieds, puis l’acheva d’un coup rapide. Paul ne put retenir un cri d’effroi. Il tenta de se dégager mais à chaque geste, la douleur s’accentuer. Le tueur se rapprocha. La masse ensanglantée s’éleva à nouveau dans le ciel.
Stupéfaction.
Le meurtrier laissa tomber son arme qui s’enfonça lourdement dans la boue rouge, son visage se crispa. Paul n’en revenait pas, l’homme qui se tenait devant lui, celui qui avait tué ses amis et qui était l’ennemi public numéro 1, n’était ni plus ni moins que son beau frère, Valentin. Ce dernier était stupéfait de voir un ancien visage familier. Il balbutia quelques paroles.
- P… Paul, je… pourquoi toi?
- Valentin, c’est… c’est donc toi le meurtrier!? S’exclama Paul, abasourdit par cette révélation. Mais pourquoi!? Je te croyais mort en plus!!
Les deux hommes se fixèrent intensément. La haine inonder les yeux de Paul, quand à Valentin, de douloureuses pensées revinrent en lui.
Magali, après s’être coiffée, revint vers le lit où son doux compagnon dormait toujours. Elle lui caressa tendrement la joue, puis quitta la chambre. Cinq minutes plus tard, un groupe cagoulé l’encerclèrent dans le salon et celle-ci se mit à hurler, réveillant son amant. D’un bond, il sortit du lit et trouva sa femme étendue sur le sol, un poignard dans l’abdomen. Les assassins l’encerclèrent. L’un d’entre eux retira sa cagoule.
- Et c’est le père Lustu? Mais pourquoi aurait-il fait ça? demanda Paul tout en serrant les dents après avoir été libérer du piège.
- Le père Lustu cru bon de faire un exemple au…
- Nom de Dieu!?
-Oui répondit au loin une voix.
C’est le père Lustu, qui lui à répondu. Il reprit :
- Je sais Valentin que tu étais un fidèle, mais pouvait on en dire autant de Magalie? Elle n’allait pas à la messe, et ne prier jamais. Alors un soir Dieu m’a parlé, me disant d’éliminer les infidèles. Je l’ai fais pour Dieu, je l’ai fais pour nous tous. Dieu ne t’as pas trahis Valentin, il t’aime toujours autant…
Valentin prit sa masse et marcha en direction du prêtre. Paul rampa jusqu’à la cabane du tueur où se trouvait l’arbalète. Si Dieu a rappeler ma sœur, c’est qu’il avait ses raison. Il tira le carreau sur Valentin, qui s’écroula quelques minutes plus tard.